« Que m’a appris l’expérience d’une lutte de plus de quarante années, poursuivies dans des conditions parfois difficiles ? […] Elle m’a appris encore, cette lutte, qu’il n’existe pas de bonheur plus grand que celui de s’identifier avec son peuple, avec le prolétariat, libérateur de l’humanité ; pas d’honneur plus vrai que celui de mener son combat ; pas de satisfaction plus haute que celle d’avancer dans le sens de l’histoire, du progrès, de l’émancipation des exploités et des opprimés ; pas de fierté plus légitime que celle de transmettre aux générations montantes le flambeau du communisme », Maurice Thorez, Fils du peuple, 1949.
Secrétaire général du parti communiste français de 1930 à sa mort en 1964, Maurice Thorez incarne à lui tout seul le tournant radical de l’Internationale communiste dirigée par l’URSS de Staline à partir de 1924 puis la constitution du Front Populaire de 1936 jusqu’à la déclaration de la 2e guerre mondiale (Photo n°1). Le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 ayant largement compromis le parti communiste et son chef, a fait de lui un exilé et un déserteur (le 3 octobre 1939) contraint par Staline à s’installer en URSS jusqu’en 1944. Au nom de cette « dévolution imaginaire » au poste de pilotage du progrès humain, incarné par octobre 1917 et ses leaders (Lénine, Trotsky et Staline), le parti communiste français dirigé par Maurice Thorez entretient des relations complexes avec l’histoire ; avec le monde ouvrier français d’abord, en vertu de son émancipation, avec les Français ensuite au nom des valeurs nationales puisque Thorez devient ministre de la fonction publique (1945-1947) et enfin avec notre imaginaire des luttes sociales qui court jusqu’à nos jours. Comment un homme, que le poète Aragon (1897-1982) appelait « un professeur d’énergie nationale » a-t-il pu à ce point entretenir une ligne fidèle avec Moscou au-delà même de la mort de Staline en mars 1953 puisqu’il fut de ceux qui mirent en cause la déstalinisation engagée par Nikita Khrouchtchev (1894-1971) ?
Mémoire d’ouvrier et révolutionnaire professionnel
Maurice Thorez représente par ses capacités de travail et sa patience l’archétype de l’ouvrier, fils et petit-fils d’ouvrier, né dans les corons du Pas-de-Calais et éduqué politiquement par la misère du prolétariat. Son grand-père, Clément Baudry, socialiste de Noyelles-Godault, fut mineur jusqu’à la fin de sa vie « mort à la tâche en 1931, à soixante-et-onze ans, avec votre carte de syndiqué à jour », comme il l’écrira plus tard. Lui qui ne fut pratiquement jamais mineur, en faisant carrière dans l’administration, fut un militant communiste, offrant sa vie à ses « frères de travail ». Ses mémoires (1949) sous forme de bréviaire et de testament à la fois, sous le titre de « fils du peuple », font montre d’un misérabilisme mobilisateur et vengeur, incarné notamment par la catastrophe de la mine de Courrières qui fit plus de mille morts lorsqu’il avait six ans le 10 mars 1906:
« Je me souviens qu’ensuite, avec d’autres gosses, nous sommes revenus au village, accablés et harassés, et que nous sommes restés longtemps sans jouer et sans nous disputer… ».
Soutenu par sa femme, Jeannette Vermeersch (1910-2001) (Photo n°2), qu’il rencontre en 1934 alors qu’il est un secrétaire national tout puissant, il conduit les destinées d’un parti qu’il mènera à son sommet électoral à la Libération après les tourments de la guerre et au cœur de la guerre froide (1947-1956). Depuis 1920, il gravit tous les échelons d’un parti qui naît à l’occasion du congrès de Tours (25-30 décembre 1920) et distingue la Section Française de l’Internationale Ouvrière, « vieille maison » gardée désormais par Léon Blum (1872-1950) de la Section française de l’Internationale Communiste (futur PCF). Autodidacte, il apprend l’allemand, il se dote d’un solide bagage marxiste, d’une expérience de militant dévoué qui le conduit à faire un séjour héroïque en prison (1929-1930). Une fois dirigeant il navigue entre affirmation de ses convictions sincères et acceptation de la politique « classe contre classe » initiée par Staline en 1927. Le militant à l’ambition assurée mais aux idées les moins sectaires se retrouve bien dans ce discours d’un meeting à la salle Bullier à Paris (le 13 octobre 1928) :
« Nous voulons que chaque membre du parti puisse librement et sans crainte exprimer son opinion, critiquer les directions, la discipline nécessaire n’étant que le résultat de la conviction et de la soumission aux décisions régulièrement prises par les organismes qualifiés, après discussion ».
Un parti inféodé à Moscou, un vassal qui élève son parti et lui donne une dimension
Hélas, l’histoire montre aujourd’hui que le Parti communiste de Maurice Thorez fut loin de maîtriser sa Direction ; l’ouverture des Archives du Komintern (Internationale communiste née le 2 mars 1919 sous l’impulsion des Bolcheviks et de Lénine) a permis d’établir que le Parti était totalement contrôlé par Moscou. Eugen Fried (1900-1943) et Palmiro Togliatti (1893-1964), futur leader du Parti communiste italien après la guerre, furent chargés de superviser dès 1930 la politique et la nomination des cadres. C’est une des constantes des modalités de fonctionnement de l’entre-deux guerres puis de la guerre froide, que le parti communiste était inféodé à Moscou. Ce qui n’empêcha pas des initiatives propres au contexte français et surtout imposées par Thorez. Dans cet archipel de partis prisonniers de Staline, le parti communiste français a imprimé sa marque originale. Député depuis 1932, Thorez est l’initiateur d’une politique antifasciste inédite qui aboutit le 27 juillet 1934 à un pacte d’alliance avec les socialistes. Jean Jaurès (1859-1914), fondateur de la SFIO en 1905, retrouvait ses enfants unis à nouveau au cœur d’un danger commun depuis l’avènement d’Adolf Hitler en mars 1933. Le 24 octobre 1934, en appelant à la constitution d’un « Front populaire de la liberté, du travail et de la paix », Thorez élargit aux classes moyennes tout ce qui constitue le « peuple », autrefois limité aux paysans et surtout aux ouvriers. Il est à l’origine d’une conscience française des luttes ouvrières et unies contre le Fascisme en dépit des réticences de Moscou ; après la journée du 6 février 1934 qui a vu la droite et l’extrême droite menaçer dangereusement le gouvernement, Thorez voulut en tirer toutes les leçons françaises. Inquiète de ses initiatives, l’Internationale communiste le convoque pour s’expliquer le 3 décembre 1934. Thorez brille par ses capacités à convaincre et fait du parti communiste français un modèle après la mise au ban par Hitler du parti communiste allemand. Mais l’inféodation à Moscou, si elle s’affaiblissait par moments ne pouvait en aucune manière disparaître ; elle était le cœur du fonctionnement de l’Internationale tandis que le parti de Thorez était le poumon. Malheureusement, la montée des périls à partir de 1936 (Hitler réoccupe la Rhénanie, le général Franco intervient contre les Républicains espagnols, etc), au cœur d’un Front populaire (1936-1938) dont Léon Blum et Maurice Thorez furent les artisans, fit basculer l’œuvre de ce dernier dans une nouvelle dimension.
Thorez et l’Internationale, Thorez et Fried, une affaire politique et affective
On ne peut pas comprendre Maurice Thorez si on ne saisit pas la mécanique de l’Internationale communiste, ses allers/retours entre Paris et Moscou, pour se justifier, pour vaincre les idées reçues ou tout simplement ses propres adversaires au sein du Parti. Maurice Thorez n’a-t-il pas vaincu son grand rival Jacques Doriot (1898-1945), maire communiste de Saint-Denis ? Ce dernier refusera une convocation de Staline, s’éliminant de son propre chef pour fonder le parti populaire français (1936) et devenir le chef de file de la Collaboration durant l’occupation allemande. Mais Maurice est également intimement lié, politiquement avec celui que certains estiment avoir été le véritable chef du Parti (« l’ombre du Parti ») jusqu’en 1939, Eugen Fried, agent slovaque de l’Internationale, chargé de « bolcheviser » la France (Photo n°3) . En 1934, il s’installe avec l’ancienne femme de Maurice Thorez, Aurore Memboeuf ; lui-même père d’une petite Maria née à Moscou d’une liaison avec Anna Pauker « la pasionaria roumaine », il élèvera le propre fils de Maurice, Maurice junior. Mais le rôle d’Eugen Fried fut controversé jusqu’à sa mort. Après avoir quitté la France pour l’antenne belge du Komintern au déclenchement de la 2e guerre mondiale, il est assassiné le 17 août 1943. Au 129 de la rue Ten-Bosch à Bruxelles, devant sa femme et son beau-fils, Maurice Thorez Junior, il fut criblé de balles par deux hommes qui venaient de sonner à sa porte Considéré par de nombreux communistes français comme un des morts de la résistance française parce que jacques Duclos affirma d’emblée que la Gestapo était responsable de l’assassinat, le doute a longtemps plané entre les responsabilités allemandes ou soviétiques. Qu’on l’ait crû ou que ce fut une discipline d’obéissance à Staline, la mort de Fried demeure une part d’ombre politique et affective dans la vie de Maurice Thorez qui depuis octobre 1939 était l’hôte de Moscou. De Fried, il ne fut jamais question dans son ouvrage « Fils du peuple »… Est-ce parce que les services secrets de Moscou (la Guepéou) s’en était débarrassé ? Est-ce parce que ce fut la Gestapo ? Ou tout simplement parce que la légende thorézienne devait laissait la part d’œuvre à l’ouvrier français plutôt 3. qu’au dandy polyglotte, agent inflexible de l’Internationale communiste ?
Déserteur français et antifasciste pour toujours
L’extraordinaire, le scandale et l’incongru dans la vie de Maurice Thorez, c’est l’inféodation à Staline matérialisée par des séjours en URSS ; considérés comme une trahison pendant la guerre, ces séjours apparaissent comme une tutelle grotesque d’un apparatchik occidental.
Là encore, les événements internationaux déjouèrent la ligne française du parti communiste qu’avait pu incarner Thorez et le Front populaire. Le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 qui assura à Staline une alliance de choix, ébranla les consciences au sein du PCF et jeta un discrédit que la Résistance et la Libération effacèrent en partie. Le premier secrétaire du PCF est parti, écrit Mounette Dutilleul (1910-1996), une proche et future déportée, « en pantoufles, comme s’il nous laissait un bout de route nationale ». Il sera inculpé de « désertion à l’intérieur en temps de guerre avec emports d’effets [militaires] », le 25 novembre, condamné le 28 à six années de prison et déchu de la nationalité française le 17 février 1940. Le décret du Conseil d’Etat stipule : « Il s’est comporté, à double titre, comme le ressortissant d’une puissance étrangère ». Thorez n’a pas participé à la guerre mais est demeuré officiellement le dirigeant du PCF, œuvrant de Moscou, pour une Résistance à l’occupant où le national primerait sur le social ; Maurice Thorez, en tant que dirigeant du Parti communiste français n’a pas simplement déserté mais il a évité un emprisonnement certain, voire une mort violente, au regard des événements postérieurs, de la prise des pleins pouvoirs par le maréchal Pétain (1856-1951) le 10 juillet 1940 à la collaboration de Pierre Laval (1883-1945) de 1942 à 1944. Dans un numéro ronéotypé du Journal l’Humanité, Thorez se justifie de son départ :
« Nous, communistes, nous sommes antihitlériens, antifascistes, mais nous n’avons jamais séparé la lutte contre le fascisme au-dehors de la lutte contre le fascisme du dedans […]. Nous ne confondons pas le peuple allemand avec ses maîtres du moment ».
Un ministre valeureux de la reconstruction ou un « salaud » qui a trahi la Patrie ?
Dès lors, les reproches pleuvent sur le déserteur et le désormais nanti au train de vie de bourgeois : un « salaud » qui donne des leçons de patriotisme et de martyr résistant pour les uns, un vice-président du Conseil bourgeois qui n’est plus « le fils du peuple » pour s’autres. Peu importe Thorez appartient à la Reconstruction du pays comme De Gaulle appartient à la Résistance, les insultes ne résistent pas à la logique d’un système auquel les événements ont donné raison ; l’URSS, grand vainqueur du Nazisme, va réinstaller le leader communiste français au cœur de la paix entre les Alliés, de la reconstruction de la France et de la future révolution envisagée. Marcel Cachin (1869-1958), dans un article de l’Humanité à la veille de son retour en novembre 1944 écrit :
« Il fut éloigné depuis cinq ans [de la grande foule parisienne], par la guerre d’abord, et aussi par un ostracisme qui ne fait pas honneur à ceux qui l’ont arbitrairement prolongé pour des motifs simplement odieux. Ainsi, le pays saura gré à Maurice Thorez […] d’avoir là-bas, contribué largement […] à faire aimer notre patrie ».
Aux élections à l’assemblée constituante d’octobre 1945, le PCF fait plus d’un quart des suffrages et Thorez revendique même la présidence du Conseil ; il obtiendra la vice-présidence et le ministère de la fonction publique, rôles qu’il tiendra avec talent et abnégation jusqu’au départ bruyant des ministres communistes en mai 1947 (Photo n°4). Fidèle à une ligne française du communisme qu’il avait longtemps portée à Moscou, et dans de toutes nouvelles circonstances, il déclare non sans audace, au grand dam de Moscou et des militants, dans le Times le 17 novembre 1946 que :
« Les progrès de la démocratie à travers le monde permettent d’envisager pour la marche du socialisme d’autres chemins que celui suivi par les communistes russes […] L’union des forces ouvrières est le plus sûr fondement de la démocratie. Le parti ouvrier français que nous proposons de constituer par la fusion des Partis communistes et Socialistes, serait le guide de notre démocratie nouvelle et populaire ».
Sincérité ? Opportunisme ? Le rideau de fer « qui s’est abattu sur le continent » de « Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique », selon le discours de Winston Churchill au Westminster College de Fulton le 5 mars 1946, est une réalité qui va renvoyer Maurice Thorez au bercail de l’Internationale communiste. Le 30 septembre 1947, la doctrine Jdanov engage à nouveau l’URSS dans une lutte déclarée contre les forces impérialistes.
Le retour aux luttes et l’inexorable « compromission » bourgeoise d’un grand malade
Mais Thorez est porté par non seulement les succès électoraux du Parti mais par les ralliements des plus grands intellectuels et artistes français : Aragon, Léger, Picasso, Fougeron, Amblard, etc participent à ce qu’on appelle la grande liturgie communiste autour du Réalisme soviétique et de Staline, avant comme après sa mort en 1953. Ce gage intellectuel, qui a beaucoup fait pour l’aura du parti dans les années 1950, a emmené Thorez et sa famille vers des hauteurs inespérées, qu’ils se sont toujours ingéniés à nier comme étant les charmes « cachés » de la bourgeoisie. Malgré elle c’est la logique de l’Internationale communiste qui reprend ses droits, comme pour mieux en souligner les contradictions. Lorsque Maurice est gravement atteint par une « hémiplégie droite flasque totale avec aphasie sans perte de conscience », le 10 octobre 1950, c’est à Moscou que s’organise sa convalescence. En grande pompe, à l’aéroport du Bourget, on organise son départ et les soins prodigués en URSS sont scandés par les visites de Staline au convalescent. Thorez remet régulièrement son retour à plus tard car la médecine soviétique ne fait pas de miracles ; installé « bourgeoisement » à son retour dans sa villa de Bazainville dont le coût fait jaser le 13 avril 1953, Maurice Thorez passe les dix dernières années de sa vie à étudier, théoriser et diriger un parti qui, après la mort de Staline vit des moments clés. La lecture du rapport de Nikita Khrouchtchev dénonçant les crimes de Staline, dans la nuit du 24 au 25 février 1956, au cours du XXe Congrès du Parti Communiste de l’URSS, est vécue par Thorez comme une trahison. Refusant la déstalinisation, il donne paradoxalement raison à son ancienne ligne de conduite des années 1930, quand il s’agissait de permettre au PCF de desserrer la centralisation du Communisme international. Toujours sous la surveillance médicale des Soviétiques, il bénéficie des largesses du Régime, se reposant entre autre dans une propriété de la Côte d’Azur près de Cannes, « La Gatounière » qui avait fait les beaux jours de personnalités comme Georges Simenon, Edith Piaf ou Eddy Barclay. Il s’ouvre en même temps à des horizons intellectuels qui dépassent de très loin l’univers communiste en lisant les classiques de la littérature française. En avant-garde sur nombre de militants communistes qui graviront les échelons sociaux dans les années 1960-1980, Thorez est devenu un penseur autocritique qui ose intellectuellement remettre en cause certains aspects du culte de la personnalité qui ont fait notamment appeler le PCF « le parti de Thorez ».
Maurice Thorez est à l’image de ces personnages historiques qui se diluent dans les mutations successives qu’ils ont vécues, qu’elles soient politiques, sociales ou tout simplement sociétale. Jouet de Staline ? Thorez le fut assurément puisque c’est toute la politique du parti communiste français qui fut façonnée par Moscou ; mais un jouet qui, sans sa mécanique internationale a aussi marqué le temps social de l’histoire de France, dans ses luttes comme dans sa crédulité à l’égard du régime totalitaire le plus protégé du XXe siècle. Le charme universel d’octobre 1917, comme le nomme François Furet, dépassa largement la mort de Maurice Thorez qui survient brusquement le 10 juillet 1964 quelques semaines après son remplacement à la tête du Parti par Waldeck Rochet (1905-1983). Si Maurice Thorez fait corps avec un monde communiste en phase avec sa gestation révolutionnaire d’après octobre 1917 il ne peut que difficilement être sorti de son contexte. On ne peut pas en dire autant de ses poursuivants comme Georges Marchais secrétaire général du PCF de 1972 à 1997. Jean Ferrat dénoncera le fameux Bilan de ce dernier en des termes critiques mais toujours nostalgiques de ce qu’on doit appeler une utopie, une utopie qui ne supporta malgré tout aucune objection jusqu’il y a très peu de temps:
« Ah ils nous en ont fait avaler des couleuvres
De Prague à Budapest de Sofia à Moscou
Les staliniens zélés qui mettaient tout en œuvre
Pour vous faire signer les aveux les plus fous
Vous aviez combattu partout la bête immonde
Des brigades d’Espagne à celles des maquis
Votre jeunesse était l’histoire de ce monde
Vous aviez nom Kostov ou London ou Slansky
Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui
Ah ils nous en ont fait applaudir des injures
Des complots déjoués des dénonciations
Des traîtres démasqués des procès sans bavures
Des bagnes mérités des justes pendaisons
Ah comme on y a cru aux déviationnistes
Aux savants décadents aux écrivains espions
Aux sionistes bourgeois aux renégats titistes
Aux calomniateurs de la révolution
Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui
Ah ils nous en ont fait approuver des massacres
Que certains continuent d’appeler des erreurs
Une erreur c’est facile comme un et deux font quatre
Pour barrer d’un seul trait des années de terreur
Ce socialisme était une caricature
Si les temps on changé des ombres sont restées
J’en garde au fond du cœur la sombre meurtrissure
Dans ma bouche à jamais le soif de vérité
Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui
Mais quand j’entends parler de “bilan” positif
Je ne peux m’empêcher de penser à quel prix
Et ces millions de morts qui forment le passif
C’est à eux qu’il faudrait demander leur avis
N’exigez pas de moi une âme de comptable
Pour chanter au présent ce siècle tragédie
Les acquis proposés comme dessous de table
Les cadavres passés en pertes et profits
Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui
C’est un autre avenir qu’il faut qu’on réinvente
Sans idole ou modèle pas à pas humblement
Sans vérité tracée sans lendemains qui chantent
Un bonheur inventé définitivement
Un avenir naissant d’un peu moins de souffrance
Avec nos yeux ouverts et grands sur le réel
Un avenir conduit par notre vigilance
Envers tous les pouvoirs de la terre et du ciel
Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre
Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui ».
Frédéric Bidouze